Á mi-chemin

L’un deux gémissait quelque part. Dans un coin. Elle ne pouvait pas le voir, mais ses oreilles tentaient de le situer afin de murmurer quelques mots en sa direction. On ne devait pas l’entendre. Ils leur étaient interdits de communiquer. Finalement, elle sentit un pied bouger près d’elle. Bien que limitée dans ses mouvements, elle parvint à le toucher.

-Bamba ? murmura-t-elle d’une douceur inouïe.

Pas de réponse, mais le pied continuait de bouger. De plus en plus faiblement. Elle paniqua et se tortilla de manière à embrasser le membre. Et peut-être le calmer un peu. Elle soupira en pensant que ce n’était probablement pas lui. Mais, cette odeur, elle la reconnaitrait n’importe où. Corsée sans être irritante. Emanation tenace qui le suivait partout. Même sans le voir, elle savait quand il était tout près. Elle savait aussi qu’il ne se laisserait pas faire. Qu’il se défendrait quitte à mourir. Son cœur inquiet se serra.

-Bamba ? Pourquoi tu ne réponds pas ? Que fomentes-tu ? Ne risque pas ta vie, ce n’est pas le moment.

Toujours pas de réponse. Elle se tassa alors dans son coin, sachant qu’elle ne pourrait pas lui faire entendre raison. Au même moment, un des bourreaux descendit dans la cale, une lampe à la main, pour une rapide inspection. Il vit l’homme effondré sur le sol ; de la bave dégoulinant des commissures de ses lèvres. Rapidement, il défit ses entraves afin de le jeter à la mer. Un homme malade pourrait contaminer toute la cargaison. Ce qui entrainerait des pertes énormes. Au moment où il se baissait pour attraper ses bras et le hisser vers l’escalier, le gaillard ouvrit grand les yeux, l’attrapa par le col et lui planta un morceau de métal dans la gorge. Un misérable gargouillis échappa de la plaie béante, tandis que les yeux écarquillés, le tortionnaire tomba raide mort. Rapidement, Bamba sauta sur ses jambes, ferma la trappe et entreprit de détacher les autres. Efia, bien que fier de son compagnon, savait bien ce qu’il adviendrait d’eux. Dès que ses membres furent libres, elle sauta à son cou et l’embrassa sur ses grandes lèvres épaisses.

-Bamba, je suis fière de toi. Mais, ils vont tous nous tuer, gémit-elle.

Il la serra dans ses bras et la regardant droit dans les yeux, lui dit : « je préfère mille fois être une âme libre qu’un corps enchainé. »

Efia comprit et ne dit plus rien. Les autres étaient debout et attendaient. Ils avaient faim et soif. La colère et la rage déformaient leurs traits. Bamba se baissa vers le mort, porta ses lèvres à son cou ouvert et but de son sang. C’était le signal que ses compagnons attendaient. Ils se jetèrent sur le cadavre et dévora la chair encore tiède. Repus, ils ouvrirent la trappe et se jetèrent sur les autres. Sans réfléchir. Sans armes. Ils refusaient d’exister dans ces conditions. La majorité mourut sous les balles meurtrières des bourreaux, mais quelques-uns sautèrent à la mer et nagèrent rapidement vers la côte.

Fatigués, ils rejoignirent la berge. La centenaire se tourna vers eux et sourit. Des morceaux de chair humaine étaient restés coincés entre ses dents, le sang dégoulinait sur sa robe. Elle continua de danser. Efia se mit à danser avec elle. Les autres se mirent de la partie. La tristesse leur donnait des ailes. Ils pensaient à leurs compagnons tués sur le bateau, ceux qui avaient été faits prisonniers de nouveau et qu’ils ne reverront plus peut-être plus jamais.

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