La tête de Dimitri

  • Bonjour!

Farah ignora le silence et se lança dans un monologue assommant. Elle avait bien dormi et se sentait prête à affronter la fin de semaine. Ses plans ? Elle n’avait rien de prévu. Peut-être irait-elle au cinéma. Allongée sur le canapé, elle continuait de bavasser. Ses traits détendus révélaient sa bonne humeur.  Toujours un peu ensommeillée, elle s’assoupit et le silence enveloppa l’appartement.

Réveillée dans l’après-midi, elle s’était plongée dans un bon roman ; elle avait préféré rester à la maison …. pour lui parler et le regarder. Son mutisme prolongé ne la dérangeait guère. Elle assurait la conversation pour eux deux. De temps, en temps, elle lui jetait un coup d’œil satisfait et reprenait sa lecture. Ainsi, se passa son samedi, leur samedi. Paisiblement, à la maison.

Le lendemain, elle ne lui prêta pas trop attention et s’installa avec un autre roman sur le balcon. Il faisait bon et, avant la fin de la journée, elle avait achevé son second bouquin de la fin de semaine. Dans l’après-midi, en se gavant de bonbons secs, elle s’assit en face de lui. Sans rien dire. Elle mâchouillait ses friandises, se grattait, mais ne disait rien.  Comme si ce jour-là, elle n’avait plus rien à lui raconter. Elle s’était désintéressée de lui. Il l’ennuyait. Elle se détourna donc de lui, se choisit un bon film et s’affala sur le canapé. Quelques minutes après le début du long métrage, le sommeil s’empara d’elle.

Lundi matin, elle courait dans tous les sens afin de se préparer pour arriver à l’heure à sa séance de photo. Un retard changerait ses plans pour le reste de la journée et elle tenait à expédier cette enveloppe qu’elle avait gardé trop longtemps dans ses tiroirs. Fraiche et pétillante, elle passa la porte, mais pris quand même le temps de se retourner pour le voir. Pas un sourire. Rien. Elle ne s’en inquiéta pas. Fermant la porte à double tour, Farah s’engagea dans les escaliers et se fondit dans la vague humaine qui fourmillait dans tous les sens.

Madame Jean trouvait bizarre de recevoir une enveloppe anonyme. Mais, elle ne s’en inquiéta pas outre mesure parce que depuis la disparition de son fils Dimitri le mois dernier, elle s’attendait à une demande de rançon. Les mains fébriles, elle déchira le papier précautionneusement, et des photos glissèrent sur le tapis. Sans y prêter attention, elle courut prendre ses lunettes sur la table de la salle à manger et revint vers le salon. Un cri d’horreur déchira la nuit.

Réveillé en sursaut, le père de Dimitri, le maire de la ville, se précipita vers sa femme. Il ne pourrait souffrir un autre drame. Le long procès contre cette catin qui accusait son fils, puis la disparition de celui-ci et enfin le chagrin de son épouse. Non, non. Ils en avaient assez. La vieille ne respirait plus, il tenta vainement de la réanimer. Désespéré et choqué, il vit enfin les photos étalées sur le sol. Son cœur lâcha et il s’affaissa lourdement sur le corps déjà raide de Suzanne.

Le lendemain matin, le chauffeur ne voyant pas sortir le maire, l’appela de nombreuses fois sans jamais parvenir à le rejoindre.  Voulant s’enquérir de ses nouvelles, il utilisa ses clés pour accéder à la maison. Il vit les corps et s’appuya contre un mur pour reprendre ses esprits. Quand il s’approcha un peu plus près, les clichés le terrorisèrent. Il ne put s’empêcher de vomir. Sur les photos, les yeux écarquillés de frayeur, la tête de Dimitri flottait dans un bocal.  Son phallus enfoncé dans sa gorge gardait sa bouche ouverte. Bien que ses parents avaient utilisé le système pour le faire acquitter de toutes les accusations de viol contre lui, quelqu’un avait pris le soin de le mettre hors d’état de nuire.  Il ne ferait plus de mal à personne.

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