Elle devait envoyer le courriel. Un simple petit geste, mais, elle restait là, immobile. Le regard perdu. Dans ses pensées, elle imaginait la réaction de ses parents, les ricanements des membres de son assemblée religieuse. Elle avait tout simplement honte. Comment les informer de la situation ? Comment leur raconter son calvaire ? Elle avait appris que l’amour supporte tout. Les autres diraient qu’elle n’était pas tolérante, qu’elle était une lâcheuse. Elle avait peur d’entendre ces mots bien qu’elle savait qu’elle avait tout fait. Elle souriait, même quand elle n’en avait plus la force et elle avait fait de son mieux pour leur cacher la vérité. Regardant l’écran bleu, elle porta quelques corrections à sa correspondance, la relut, effectua des changements additionnels.
Il fallait partir avant qu’il ne revienne de sa réunion. Mais, elle était indécise. Qu’allait-il raconter à son sujet ? Elle ne voulait pas mettre ses « respectables » parents dans l’embarras. Elle se rappela de la fois où sa mère était rentrée tard de la répétition de sa chorale. Son père était dans une rage noire et l’avait attendue près de la porte d’entrée. La malheureuse n’avait pas eu le temps de fermer la porte qu’une gifle l’avait voltigée dans les escaliers. Les lèvres tuméfiées et les yeux injectés de sang, elle s’était excusée d’une voix tremblotante. Non, elle ne serait plus en retard pour le dîner. Il était gentil de l’avoir attendue et elle le remerciait. Pourquoi sa mère était si forte et qu’elle, Murielle, voulait détaler comme une lâche ?
Décidée à faire face à la situation, elle effaça tout, rangea son ordinateur dans le tiroir et se dirigea vers la cuisine. Elle avait encore le temps de préparer un bon repas. Affairée devant les fourneaux, elle sursauta lorsqu’elle entendit la serrure tourner. Le pas lourd traversa le corridor et elle sentit son souffle dans son cou. La mauvaise haleine la dégoûtait, mais elle ne fit aucun commentaire. Silencieusement, il se dirigea vers le bar et se servit un verre de vin. Elle sentait le regard haineux qui suivait chacun de ses mouvements, et elle l’évitait de son mieux. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait plus le droit de le regarder dans les yeux. En fait, elle n’avait plus aucun droit. Elle respirait le plus subtilement possible pour éviter de l’irriter.
Voyant qu’elle faisait tout pour échapper à une bastonnade, Éric saisit une cuillère pour goûter à la soupe. Grimaçant de dégoût, il recracha le tout dans la marmite. Sachant ce qui s’ensuivrait, Murielle recula rapidement dans l’espoir d’échapper à sa fureur. D’un bond, il la tenait déjà à la gorge. Non, il ne voulait pas de soupe aux tomates. Non, il ne savait même plus ce qu’il voulait manger. Elle aurait dû lui demander. Elle devait être punie. Murielle tenta de se rappeler pourquoi elle avait changé d’avis, pourquoi elle avait voulu croire qu’un jour il changerait. La peur l’avait paralysée. Elle n’était pas prêtre à s’entendre traiter de tous les noms. Elle préférait cacher ses bleus et sourire à tout le monde. Il ne lâchait pas prise et elle commençait à manquer d’oxygène. Elle tenta de le repousser. Furieux, il se retourna cherchant quelque chose pour la frapper. Voyant le rouleau à pâtisserie à l’autre bout de la cuisine, il s’élança pour l’attraper, se prit un pied dans la table et tomba dans un affreux craquement.
Il ne bougeait plus. Murielle s’avança prudemment pour le regarder et se rendit compte qu’il s’était cassé le cou en heurtant une des chaises. Son corps sans vie gisait par terre. Appuyée contre un mur, un fou rire la secoua. Son bourreau était mort. Elle n’aurait plus à divorcer ni à raconter son histoire. Personne ne la jugerait. On aurait pitié d’elle, la veuve éplorée. Murielle prit son téléphone pour appeler la police et sa famille. En larmes, elle leur raconta qu’il était tombé et ne se relevait pas. En attendant leur venue, elle planifia joyeusement sa nouvelle vie. Elle vendrait tout ce qu’ils possédaient et s’en irait loin. Elle voyagera, s’amusera et peut-être rencontrera le vrai amour. Pour la première fois….
Une histoire triste, émouvante, mais avec une superbe fin. J’aime♥️
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J’aime ces petites histoires bien étalées, et avec de l’émotion dans chaque paragraphe.
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Obens, je te remercie de prendre le temps de les lire. 🙂
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Beau travail.
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